Mon départ pour Zagreb

Je m’appelle Stacey Winston et je vais vous raconter mon histoire. Elle commence plutôt bien, je suis née à Londres le 12 janvier 1992. Mes parents et moi vivions une parfaite vie de famille, nous avions l’habitude de nous rendre chez nos voisins, la famille Jones. Nous brunchions souvent ensemble et j’aimais surtout ça car je m’entendais très bien avec le benjamin de la famille qui avait le même âge que moi. Pour tout vous dire je suis même tombée amoureuse de lui, mais finalement nous sommes devenus de meilleurs amis.

Je ne m’attendais pas à soudainement être séparé de mon ami le plus cher le jour de mes 16 ans jour où mon père a reçu sa mutation pour Zagreb en Croatie, il a reçu une grosse augmentation en acceptant d’aller travailler à l’étranger. J’étais effondrée à l’idée de devoir quitter Londres pour aller m’installer dans un pays inconnu, où les gens ne parlent pas la même langue que moi, j’allais être larguée.

J’allais perdre tous mes repères, même pas le temps de me remettre de cette annonce qu’il faut rassembler toute nos affaires dans des cartons. Nous devons vider la maison et dire adieu à tous nos souvenirs passés, je décide avant que les derniers meubles et cartons soient emportés par les déménageurs d’aller voir celui qui pour moi était l’amour de ma vie et de lui faire mes adieux. En arrivant devant sa porte je constate qu’il n’y a personne à l’intérieur, je suis effondrée je ne pourrais donc pas lui dire un dernier au revoir. Je décide alors de prendre une feuille de papier et de lui écrire tout ce que j’aurais aimé lui dire avant de partir.

« Mon Matthew je t’écris cette lettre pour te dire que je dois m’en aller à l’étranger, mon père a reçu sa mutation et à mon plus grand regret nous devons déménager. J’aurais voulu te le dire mais je dois malheureusement te l’écrire. Je vais aller droit au but, tu étais tout pour moi, mon ami, mon meilleur ami tu étais comme un frère. Nous nous connaissons depuis que nous sommes petits et nous ne nous sommes jamais séparés. Nous avons toujours été fusionnels, nous nous confions l’un à l’autre, nous ne faisions qu’un. Aujourd’hui c’est un pilier que je perds mais j’espère que nous nous reverrons un jour. Sache que je ne t’oublierais pas, je t’aime Matthew… »

Je dépose ma lettre devant leur porte et j’entends mon père klaxonner dans la voiture, il est l’heure de partir. Un dernier regard sur mon passé et nous y allons. Je me suis promise de retourner à Londres un jour pour revoir Matthew.


C’est là que les ennuis commencent…

Nous sommes enfin arrivés à Zagreb, nos meubles nous attendent devant notre nouvelle demeure, j’ai hâte de la découvrir. En route vers notre nouvelle maison je peux observer avec attention la magnifique ville qu’est Zagreb, je suis éblouie par tant de beauté, ses grands monuments me laissent sans voix.
Nous arrivons à destination et je découvre une maison ou devrais-je dire une villa, elle est énorme et splendide, je n’ai pas de mots pour la décrire juste « woaw ».
Le salon est immense, il y a une salle de bain par chambre ainsi qu’une grande terrasse, le confort y est présent.
Maintenant que nous avons emménagés, il faut se préoccuper de mes études, j’ai toujours voulu devenir avocate et sans diplôme cela risque d’être compliqué. Mes parents ont alors décidé de m’inscrire dans l’école anglaise de Zagreb pour que je puisse plus facilement m’intégrer dans ce nouveau pays.
J’apprends petit à petit le croate afin espérer un jour pouvoir intégrer une école publique pour faire des études de droit. Cette langue est pour moi un peu dure à apprendre mais j’arrive à m’y faire petit à petit.



C’est aujourd’hui le grand jour, je vais fêter mes 18 ans, je parle plutôt bien croate malgré quelques difficultés d’accents mais je me débrouille. Sur le point d’arriver chez moi j’aperçois des ambulances et des voitures de polices juste devant chez moi. Je me demande ce qu’il se passe et commence à m’inquiéter. Je vois ma mère en train d’être transportée sur un brancard et mon père en train de se faire arrêter par la police. Le pire est arrivé, je savais bien qu’en ce moment ils ne s’entendaient pas mais au point que les secours et la police interviennent je m’attends au pire surtout que mon père avait du mal à se contrôler et était toujours un peu violent quand il avait bu. Tous les soirs alors que j'essayais tant bien que mal de m'endormir j'entendais des cris en provenance du salon, ma mère pleurait même parfois et venais me réconforter quand elle savait que j'avais tout entendu. Mon père s'est mis à boire depuis qu'on a emménagé à Zagreb, il n'était pas comme ça avant. Je le voyais boire mais je ne disais rien, je me taisais, il ne m'a jamais fait de mal heureusement car j'évitais de croiser son regard quand il rentrais du travail, heure à laquelle il sortait la bouteille de whisky et qu'il commençait à boire lentement. Ma mère n'a jamais décidé d'appeler la police, mais aujourd'hui c'est la fois de trop. Je me précipite vers l’ambulance pour voir l’état de ma mère mais il est trop tard je n’ai pas eu le temps de la voir, ils se sont dépêchés de l’emmener. Je me fais beaucoup de soucis j’espère de tout mon cœur qu’elle va bien…

Aujourd’hui j’ai 18 ans et pour certains c’est le plus beau jour de leur vie et pour moi c’est le pire. Mon père en prison et ma mère toujours inconsciente à l’hôpital… Je suis seule dans cette immense maison, je retrouve nos albums de famille et je me mets à pleurer en repensant aux bons moments que nous avons passés ensembles, nous étions une famille heureuse et soudée et voilà qu’aujourd’hui tout cela n’est plus que de l’histoire ancienne …

Je me rends sans plus tarder à l’hôpital pour vérifier l’état de santé de ma mère. En arrivant je demande la chambre de madame Winston et on me répond qu’elle n’est pas apte à recevoir de la visite dans son état de santé actuel. J’insiste en disant que je suis sa fille et que je souhaite la voir absolument !
On me refuse quand même, dans un élan de rage je décide d’accourir vers toutes les chambres et de les ouvrir une à une pour trouver celle où se trouve ma mère. Après une bonne heure de recherche je parviens à la trouver, les médecins essayent de m’empêcher de rentrer mais je dois absolument la voir.

J’entre et je la voie allongée sur ce lit d’hôpital inconsciente, et comme fond sonore des « bips » provoqué par l’électrocardiogramme. Je remarque qu’elle a des bleus aux bras, le visage enflé et des plaies sur tout le corps. Mon père est un monstre, c’est la première fois qu’il agresse physiquement ma mère, habituellement il ne faisait que de la violence verbale, je ne peux pas croire qu’il l’ait battue. Je ressens toute la souffrance qu’elle a subi, je hais mon père je me souvenais d’une personne attachante, toujours gentille, prête à rendre service mais l’alcool lui a fait sortir un démon qui sommeillait en lui.  

Un médecin entre pendant que je reste là à me faire du souci, je lui demande alors si elle va s’en sortir, et je vois qu’il est très gêné il n’ose pas me regarder dans les yeux mais je veux savoir la vérité, je suis prête à l’entendre !
Il m’explique qu’elle a reçu de nombreux coups notamment au niveau de la tête et que ce n’était pas la première fois apparemment. Ma mère aurait donc subi de nombreuses violences physiques auparavant ? Il me dit qu’il ne sait pas combien de temps elle restera inconsciente et qu’il ne sait pas si elle se réveillera un jour, pour l’instant elle est dans un état de coma dû à un choc trop violent, il a également constaté plusieurs fractures sur tout le corps.
Je fonds en larmes, ma pauvre mère presque battue à mort par mon propre père, quelle honte ! Quel salaud ! Je souhaite de tout mon cœur qu’il pourrisse en taule ce connard !

Je ferais tout ce qui en mon pouvoir pour qu’à son réveil ma mère retrouve goût à la vie pour que nous puissions vivre heureuse toutes les deux à nouveau, je continuerais mes études de droit afin de la rendre fière et afin de juger et de défendre toutes les victimes notamment toutes ces femmes qui ne parlent pas car elles sont victimes au quotidien des violences de leur conjoint !

8 ans plus tard

8 ans se sont écoulés depuis cet incident tragique survenu le jour de mes 18 ans, aujourd'hui j'ai 26 ans je suis devenue une grande avocate à Hrvatska au Nord de Zagreb, j'ai gagné de nombreux procès impliquant la violence conjugale, il y a encore trop de femmes qui n'osent pas parler car elles sont tétanisées.
Je n'aime pas l'inégalité, c'est quelque chose qui me met hors de moi, je ne défend que les victimes lors des procès même si l'on m'a déjà confrontée à des agresseurs, il est parfois dur de devoir défendre une personne coupable mais c'est notre métier du coup je dois le faire mais je m'y implique nettement moins que dans le cas d'une victime.

Toutes les semaines je passe rendre visite à ma mère qui est toujours dans le coma, depuis 8 ans je lui apporte des fleurs et je lui ramène aussi des objets de la maison pour qu'à son réveil elle se sente comme chez elle.
J'ai demandé aux médecins de l'hôpital si une fois par semaine je pouvais réunir quelques femmes victimes de ce genre de fléau pour qu'elles puissent parler librement de ce qui leur gâche la vie et qui les empêchent d'avancer.
À chaque fois que je rencontre une femme dans ce cas, je l'invite à nous rejoindre pour se libérer du mal qui les rongeaient. Je n'ai pas créé un groupe de paroles on l'on est assise en rond sur des chaises, je les invite chez moi dans mon salon et au lieu de ressasser le passé, nous rigolons ensemble et nous essayons de passer du bon temps en pensant à l'avenir.

Quant à mon père, je ne lui ai plus jamais adressé la parole. Il est encore en prison pour quelques années et j'espère au fond que le jour où il sortira je ne serais pas amenée à recroiser sa route sauf dans le cas d'un autre procès où il serait condamnable à la perpétuité.

Aujourd'hui j'élargis mon champ des possibilités, je suis confrontée à un autre problème, l'intolérance envers la communauté LGBT+ et je m'engage en tant qu'avocate et en tant que femme à défendre au mieux ces personnes, qui sont parfois discriminées et qui parfois même préfèrent vivre dans l'ombre plutôt que d'assumer ce qu'ils sont.

C'était Stacey Winston et je viens de vous raconter qui j'étais et qui je suis !